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Je travaille en IME, auprès de jeunes entre 12 et 20 ans.

Ils sont classés comme déficients intellectuels moyens.

Certains n’arrivent pas à lire, d’autres n’ont pas le langage. Il y un certain nombre  de jeunes ayant des troubles de la personnalité associés, dont quelques autistes.

En temps que Psychomotricienne, comme mes collègues je reçois tous les jeunes en bilan lorsqu’ils arrivent dans l’institution. En dehors des difficultés dues à des troubles psychomoteurs, je rencontre beaucoup de ces adolescents ayant une image d’eux même souvent  dévalorisée, un manque de confiance eux important, et chez certains une angoisse qui les paralyse.

N’arrivant pas à se faire entendre, ou ne sachant comment exprimer leurs émotions, la colère prend le dessus, et nous nous trouvons face à des jeunes présentant des troubles du comportement : violence, agitation,  agressivité sur soi ou les autres.

La décision d’équipe alors est prise de les envoyer en relaxation.

Le jeune est rarement partie prenante dans cette décision. Cette séance fait partie de tout une panoplie de « prises en charge » : psychologique, orthophonie, groupe de parole…….

Il m’appartient, alors non seulement de lui expliquer, mais aussi de « l’apprivoiser ».

Il ne sert à rien de lui dire que cela lui fera du bien, il faut aussi lui faire sentir, donc qu’il rentre dans le « jeu » et accepte le risque de la détente.

Pour cela nous devrons les accompagner sur des chemins toujours nouveau, qu’il faudra aménager pour eux. Suivre leur rythme, avec des répétitions infinies, des retours en arrières et des arrêts.

Créer des cadres sécurisants qui balisent les séances. Donner un espace de parole ou de silence qui lui permet de se sentir bien dans des journées pleines d’activités, de prises en charge et d’exigence, jusqu’au jour ou l’on entend : « c’est bien ici, on a personne sur le dos » après un massage avec des balles………..sur le dos. Ou que le 1 jour de la rentrée on vient nous demander un rendez vous : « cela m’a manqué ».

 

Chaque chemin est personnel, pour cela les méthodes sont adaptées et renouvelées en permanence.

Pour F. se sera des jeux à bases de postures de yoga ou du Qi Cong associés à des contes, pour la sortir de sa « bulle » et la ramener par des sensations corporelles dans une réalité souvent refusée. Par ce cheminement, nous avons pu libérer quelques tensions dues à une forte angoisse.

Pour N., jeune autiste, les vibrations et balancements de la relaxation coréenne, s’appuieront sur ses chansons syncopées et rythmées pour rentrer en relation avec lui.

Il y a des moments de grâce, comme la rencontre du tout petit qu’il est resté, dans les yeux bleus d’un grand gaillard de 16 ans, que personne ne peu contrôler, et à qui j’ai proposé un massage du dos avec les balles.

Peu a peu, il a évolué montrant par ses dessins la structuration qui se mettait en place. Le retour dans les autres lieux de vie, montrant que son comportement change en même temps.

Pour A. et O., très inhibées toutes les deux, j’ai imaginé un travail autour de la calligraphie : amener un geste lent et conscient, sans jugement : c’est juste une trace qui ne ressemble à rien de connu, on supprime alors l’angoisse de ne pas réussir et donc les crispations.

Souvent les gestes sont rapides, et manque d’amplitude. J’ai donc associé un temps sur la respiration, comme une trace laissée par le souffle.

Le fait de travailler debout amène fatigue, mauvaise posture et ouvre une voie nouvelle dans notre travail : comment se sentir mieux. Nous avons alors introduit une partie sur l’ancrage et les postures corporelles avant de prendre les pinceaux : trouver son axe pour que rien n’entrave la spontanéité du trait.

De même les mandalas m’ont souvent permis de travailler sur la structuration du jeune : forme géométrique,  point central et tour externe, aller de l’un a l’autre.

Le cercle  délimitant le dedans et le dehors, matrice sécurisante permettant de solidifier son enveloppe et  pouvoir libérer les tensions internes, et permettre l’émergence de son Etre profond.

Un travail sur l’identité en a souvent découlé : à l’aide de collage, de création de mandalas sous différentes formes, permettant la créativité, la création d’une œuvre unique.

L’important est que le jeune accède à la réceptivité et au silence intérieur.

Prendre conscience du passage du mouvement extérieur, au mouvement intérieur. Par exemple E. arrivant en courant : « ça fait du bien de courir », et qui ensuite pendant l’automassage appuie fort la balle sur son visage pour créer une sensation externe en complément de ses sensations internes : passage du mouvement à l’immobilité.

C’est d’ailleurs souvent à l’extérieur de la salle que le changement sont perçus, les retours sont souvent donné par les autres partenaires : Elle est plus souriante, Il est moins agité, Elle a maigri……….

Il faut savoir accompagner les chutes, les retours en arrières : M. jeune fille obèse et au comportement très extravertie, commence à perdre du poids et contrôler son alimentation et sa façon d’être au fur et à mesure que nous travaillons ses sensations corporelles par des alternances d’automassage, des relaxations dynamiques et des exercices de respiration. Et son investissement faiblit soudain, elle commence à manifester les symptômes d’une maladie de peau. Il nous faut tenir bon pour lui permettre de revenir travailler, aller la chercher, lui permettre de trouver son rythme, et lui proposer une nouvelle façon de travailler.

Souvent le langage est pauvre ou absent, les mots ne peuvent dire le ressenti, la aussi il faut inventer : dessin, le cadre immuable qui permet de rassurer et baliser, que le jeune fini par installer lui-même : Ainsi D. 12 ans, jeune ayant des traits autistiques, participe à un groupe de massage, Il avait beaucoup de mal à se laisser toucher. Peu a peu il a accepté des contacts plus long, sur la main, la tête. Puis il a accepté le dos, tout le corps, demandant en tendant son pied ou sa jambe. Par la suite, il a ajouté les mots.

A l’heure actuelle, il se masse lui-même avec une balle, et secoue son pied pour reproduire les vibrations de la relaxation coréenne.

Il m’est arrivé, avec certains autistes ou des jeunes très perturbés, de m’asseoir et de me poser, en silence, pour leur laisser le temps eux même de s’installer et pouvoir commencer la relaxation.

Nous avons du temps en IME, l’évolution est lente, les rencontres régulières, souvent une fois par semaine, et parfois pendant des années.

Il est parfois difficile d’accepter que l’évolution ne soit pas aussi importante qu’on l’espérait : difficulté de verbalisation, de compréhension, impossibilité d’analyser ou de prendre du recul, peut parfois amener à une ornière. Il faut donc rebrousser chemin, trouver une autre issue.

Il faut souvent répéter les même gestes, les même massages, les même histoires pour que peu à peu le jeune fasse sien le contenu des séances, ainsi J. avec qui nous avons travaillé longtemps autour de la respiration pour l’aider à contrôler des pulsions qu’il avait, a pu faire sa séance en autonomie avant de quitter l’établissement, répétant alors tous les exercices que nous avons vus ensemble lors des nombreuses rencontres.

Chaque petit pas est une victoire, chaque « ça me fait du bien » ou « j’aime bien la relaxation », chaque fois que les rendez vous ne sont plus oubliés, chaque fois que M. arrive le premier pour installer la salle : matelas, couvertures, pour lui et ses copains, entrainant les copains en question à venir aux séances, je sens que le chemin choisi était le bon. Qu’au delà de la technique, la rencontre s’est faite, que nous avons pu créer un lien, nous nous sommes apprivoisés.

 

Bernadette Grelier

 

 

 

 

 

 

 

Tag(s) : #Travaux Divers
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